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Droit du travail / Coupe du Monde

L’influence des Fédérations sur les joueurs professionnels

par
Adeline ESTEVES / David PEREIRA
le
9/30/22

Ces derniers jours, Ronald Araujo a fait couler beaucoup d’encre dans la presse de son pays natal. En cause, sa blessure à l’adducteur droit lors de la défaite de l’Uruguay face à l’Iran. Deux options s’offraient à lui :
- Se reposer longuement pour pouvoir participer à la Coupe du Monde 2022 ;
- Se faire opérer dès maintenant avec très peu de chances de participer à la CDM avec l’Uruguay (option qui lui a été vivement conseillée par le staff barcelonais).

Les uruguayens souhaitaient logiquement qu’il se tourne vers la première option, et certaines sources affirmaient que la Fédération Uruguayenne de Football elle-même faisait pression sur le joueur afin qu’il ne se fasse pas opérer.

Malheureusement, il ne s'agit pas d'un cas à part. En France, Samuel Umtiti, et actuellement Paul Pogba, ont mis à l'épreuve l'idéal de l'Equipe Nationale pour des rencontres internationales. Pour Paul Pogba, le scénario ressemble énormément à celui de l'international uruguayen.


En France, dans quelles mesures la FFF peut influencer les choix médicaux de ses joueurs appelés en sélection nationale ?


Tout d’abord, il faut rappeler que le joueur professionnel a un statut de "salarié" vis-à-vis de son club (Cour de cassation, civile, Chambre sociale, 12 décembre 2012, 11-14.823), mais ce lien est différent avec sa fédération nationale. Dans un arrêt du 22 janvier 2009 (Arrêt URSSAF / FFF, Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 22 janvier 2009, 07-19.039 07-19.105), la Cour de Cassation est arrivée à la conclusion que la FFF dispose, certes, d’un pouvoir disciplinaire envers ses arbitres et les joueurs licenciés, mais elle l’exerce dans le cadre de ses prérogatives de puissance publique (articles 16 et 17 de loi du 16 juillet 1984), et ce pouvoir disciplinaire n’est donc pas comparable avec celui qu’exerce un employeur sur son salarié.

Il n’existe donc aucun lien de subordination entre la FFF et ses joueurs sélectionnés en équipe nationale, ce qui permet d’écarter l’idée selon laquelle les joueurs français seraient salariés de la FFF lors des rassemblements internationaux.

Plus précisément, le joueur est « réputé remplir auprès de la fédération une mission confiée par son employeur au titre de ses activités salariées » (article 12.12 de la Convention Collective Nationale du Sport).

En cas de blessure d’un joueur, c’est la sécurité sociale du pays où il exerce son métier qui prendra en charge les frais médicaux dus à l’accident de travail et en cas de dépassement d’honoraires, c’est le club qui règlera la facture (ce qui est souvent le cas dans le football professionnel, les clubs préférant placer leurs joueurs entre les mains de structures privées). De plus, le choix de se faire opérer ou non revient essentiellement au joueur, qui suivra la plupart du temps les conseils de l’équipe médicale de son club.

La Fédération Française de Football ne peut donc pas obliger contractuellement un joueur à reporter une opération en vue d’une compétition internationale. De ce fait, la pression qui peut être exercée sur un joueur dans une telle situation est plus symbolique ou émotionnelle, à l’instar de Samuel Umtiti en 2018, qui décida de jouer la Coupe du Monde malgré sa blessure au genou.