0
Revue juridique

Hausse du droit au pari par la LFP : vers un nouveau bras de fer juridique ?

par
EAJF / A. ESTEVES
le
4/30/25

Une décision qui fait polémique dans l’univers des paris sportifs

La Ligue de football professionnel (LFP) vient de prendre une décision lourde de conséquences : doubler le taux du droit au pari, qui passerait de 1 % à 2 % des mises engagées sur le football dès la saison prochaine. Une mesure qui provoque de vives réactions parmi les opérateurs de paris sportifs, qui dénoncent une hausse brutale et injustifiée.

Ce changement intervient alors que la LFP est déjà confrontée à une procédure judiciaire engagée par DAZN, son principal diffuseur, qui l’accuse de « tromperie sur la marchandise » et réclame 573 millions d’euros. Dans ce climat de tension, le bras de fer avec les acteurs du pari en ligne ouvre un nouveau front juridique.

Les justifications avancées par la LFP

Dans un courrier daté du 14 avril, la LFP a exposé plusieurs raisons pour justifier cette revalorisation du droit au pari :

  • Le taux actuel, fixé à 1 %, n’a jamais été révisé depuis sa mise en place.
  • Les coûts liés à la lutte contre la fraude et les jeux illégaux ont fortement augmenté.
  • Il s’agit de valoriser le droit immatériel d’organiser les paris sportifs.
  • Les opérateurs de paris en ligne affichent une excellente santé économique, avec un chiffre d’affaires passé de 382 millions € en 2012 à 1,4 milliard € en 2023.
  • La LFP s’appuie sur le précédent des Jeux Olympiques de Paris 2024, qui ont appliqué un taux de 2 %.

Grâce à cette décision, la Ligue espère accroître significativement ses revenus, déjà estimés entre 8 et 9 millions d’euros annuels via ce droit au pari.

L’hostilité des opérateurs de paris en ligne

Les acteurs du secteur, regroupés au sein de l’Association des Opérateurs de Paris, dénoncent une « augmentation de 100 % » jugée arbitraire. Pour eux, cette redevance ne peut être modifiée unilatéralement par la LFP.

Ils s’appuient sur l’article L.333-1-2 du Code du sport, qui encadre strictement l’exploitation des droits liés aux compétitions sportives.

Les opérateurs contestent plusieurs arguments de la LFP, notamment :

  • La lutte contre les paris illégaux, qui relève selon eux de l’Autorité Nationale des Jeux (ANJ), et non de la LFP.
  • La valorisation du droit au pari est jugée incohérente alors que la Ligue 1 perd de sa valeur, au point de risquer de ne plus trouver de diffuseur.

Pour ces entreprises, cette décision n’est qu’un moyen de compenser les difficultés financières croissantes de la Ligue. Elles craignent surtout qu’un tel précédent soit repris par d’autres fédérations sportives, menaçant l'équilibre économique du secteur.

Vers une riposte juridique des opérateurs ?

Pour l’instant, les opérateurs espèrent encore trouver un terrain d’entente avec la LFP. Mais si aucun compromis n’est trouvé, plusieurs options sont envisagées :

  • Saisir l’Autorité de la concurrence pour dénoncer un éventuel abus de position dominante.
  • Engager une procédure judiciaire pour contester la légalité de cette hausse.

Une chose est sûre : ce dossier est stratégique pour l’avenir des paris sportifs en France.

Une redevance à double tranchant

En doublant le droit au pari, la LFP cherche à optimiser ses ressources, mais elle prend aussi le risque de créer une onde de choc dans le secteur des jeux en ligne. Si cette décision s’avère légale, elle pourrait faire jurisprudence ; si elle est jugée abusive, elle fragilisera davantage une Ligue déjà en quête de stabilité économique.

Le débat dépasse la seule question financière : il pose des enjeux de droit, d’éthique et de gouvernance. L’issue de ce contentieux pourrait bien redéfinir les relations entre organisateurs de compétitions et opérateurs économiques. Un tournant à suivre de très près.