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Revue juridique

L’équité des calendriers sportifs et la protection des clubs engagés en Ligue des champions : une problématique juridique en tension

par
EAJF / A. VISTE
le
4/3/25

La récente prise de position de Hansi Flick, entraîneur du FC Barcelone, rejoint celle de Carlo Ancelotti (Real Madrid) sur la nécessité de mieux protéger les clubs espagnols engagés en Ligue des champions. Leur principale critique concerne un calendrier surchargé qui ne prend pas suffisamment en compte les impératifs de récupération des joueurs.

Cette problématique soulève plusieurs questions juridiques relatives à l’équité sportive, à la santé des joueurs et aux obligations des instances dirigeantes du football.

Un calendrier de plus en plus dense : une menace pour l’équité sportive ?

Les compétitions footballistiques de clubs et de sélections nationales se multiplient, générant un enchaînement de matchs intenses pour les joueurs de haut niveau. Parmi les causes de cette surcharge, plusieurs explications peuvent être évoquées.

Notamment, l’extension des compétitions européennes. En effet, la Ligue des champions est passée à 36 équipes depuis cette saison (2024-2025), avec un tout nouveau format de phase de ligue, qui implique donc davantage de matchs.

Ensuite, on peut relever les compétitions internationales, puisque la FIFA a récemment validé un tout nouveau format de Coupe du monde des clubs, avec la participation de 32 équipes en 2025, augmentant ainsi encore la charge pour les grandes formations.

Enfin, les obligations commerciales et télévisuelles jouent également leurs rôles, puisque la structuration des calendriers repose aussi sur des enjeux financiers, avec une multiplication des créneaux horaires pour maximiser l’audience mondiale.

En conséquence, les clubs espagnols qui jouent la Ligue des champions se retrouvent parfois à devoir enchaîner trois matchs de très haut niveau en une semaine, sans aucun ajustement du calendrier national.

L’obligation juridique des instances de protéger les joueurs

Ainsi, les instances qui dirigent le football, qu’il s’agisse des fédérations nationales ou internationales, ont une responsabilité en matière de protection des joueurs. Cette protection ne concerne pas seulement les conditions de jeu sur le terrain (arbitrage ou sécurité), mais aussi le temps de récupération entre les différentes rencontres.

De nombreux experts du sport et de la médecine sportive soulignent qu’un rythme de matchs trop intense augmente considérablement le risque de blessures, impactant ainsi la santé des joueurs et la qualité des compétitions. Dans d’autres domaines professionnels, une charge de travail excessive est encadrée pour préserver la santé des travailleurs. Dans le football, le principe devrait être similaire : les joueurs, bien que sportifs de haut niveau, doivent bénéficier d’un minimum de repos pour garantir des performances optimales sans compromettre leur intégrité physique.

Les fédérations et ligues nationales doivent donc trouver un équilibre entre les impératifs commerciaux et audiovisuels (qui encouragent la multiplication des matchs) et le respect du bien-être des joueurs. L’absence d’une régulation harmonisée sur la gestion des calendriers crée des disparités entre les championnats européens, ce qui soulève des questions sur l’équité sportive.

En ne prenant pas suffisamment en compte ces enjeux, les instances du football pourraient voir leur responsabilité engagée si des clubs ou des joueurs estimaient que l’organisation des compétitions met en danger leur santé ou fausse le bon déroulement des compétitions internationales. Un cadre plus strict et harmonisé pourrait être envisagé pour limiter l’accumulation des rencontres et garantir une compétition plus juste et plus saine.

L’inégalité des pratiques en Europe : un manque d’harmonisation juridique

Hansi Flick a pointé du doigt une différence de traitement entre la Liga espagnole et la Bundesliga allemande. En Allemagne, des aménagements existent pour éviter qu’un club en Ligue des champions ne joue un match national en soirée juste avant un rendez-vous européen.

En Espagne, la Liga et son président Javier Tebas ont historiquement refusé de prendre de telles mesures, considérant que chaque club doit s’adapter aux exigences du calendrier.

Ce manque d'harmonisation pose un problème juridique, car aucune règle internationale ne contraint les ligues nationales à harmoniser leurs calendriers pour garantir l’équité sportive entre les clubs européens.

Quels recours juridiques pour les clubs concernés ?

Face à cette situation, plusieurs options pourraient être envisagées par les clubs souhaitant contester un calendrier jugé discriminatoire. D’abord, ils peuvent saisir l’UEFA pour demander un encadrement plus strict des calendriers nationaux, en lien avec les engagements en compétitions européennes. Ensuite, ils peuvent envisager de faire pression sur la FIFA et l’Association des Clubs Européens (ECA) pour une régulation à l’échelle internationale. Enfin, les clubs peuvent recourir au Tribunal Arbitral du Sport (TAS) en cas de décisions jugées préjudiciables à l’intégrité sportive des clubs.

Cependant, ces actions restent complexes à mettre en œuvre, et nécessiteraient un consensus entre plusieurs ligues européennes pour aboutir à une réelle réforme.

Pour conclure, l’appel de Hansi Flick et Carlo Ancelotti met en lumière une tension croissante entre l’intensification des calendriers et la nécessité de préserver la santé des joueurs.

Les instances dirigeantes du football doivent impérativement repenser leur approche en matière de gestion des matchs pour éviter que l’accumulation des compétitions ne dénature la qualité du jeu et ne mette en péril l’équité sportive. Une réforme plus large, garantissant une harmonisation des calendriers entre les ligues nationales et les compétitions internationales, apparaît comme une nécessité juridique et éthique.