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Revue juridique

De l’Olympique de Marseille au FC Versailles : la question de la légalité de la pratique des lofts dans le football professionnel

par
EAJF / M. KANE
le
10/9/25

À l’occasion de sa conférence de presse de présentation, l’international congolais Chancel Mbemba, récemment recruté par le LOSC, a exprimé « avoir beaucoup souffert » suite à son passage à l’Olympique de Marseille. Cette déclaration fait suite à la mise à l’écart du joueur du groupe professionnel marseillais durant la saison dernière. À la suite de cela, la nouvelle recrue du club lillois aurait déposé plainte contre son ancien club pour harcèlement moral.

Fin septembre, un documentaire diffusé par Canal+ a également créé polémique, mettant en scène le directeur sportif du FC Versailles, Salomon Kashala. À l’occasion de ce documentaire, le directeur du club francilien expliquait aux autres dirigeants la « stratégie » à suivre afin de pousser certains joueurs vers la porte de sortie.

Ces dernières actualités ont permis de relancer les débats autour de la création des lofts. L’UNFP a par ailleurs dénoncé le fait que cette pratique « hors la loi » soit devenue « à ce point courante dans le football français ». Si cette pratique est dénoncée, c’est parce qu’elle pose question tant d’un point de vue humain que d’un point de vue juridique.

Mais c’est quoi, en réalité, un loft ?

Les lofts, ou encore le lofting, ne sont pas une pratique nouvelle, mais, au contraire, bien ancrée dans le milieu du football professionnel français. Cet usage consiste à placer à l’écart un joueur ou un groupe de joueurs. Cette mise à l’écart du groupe principal affecte les joueurs d’un point de vue sportif, mais pas seulement, comme le démontre le cas de Chancel Mbemba qui a témoigné de l’impact psychologique qu’une telle mise à l’écart a eu sur lui.

Qu’en dit le droit ?

D’un point de vue juridique, la Charte du football professionnel pose, en son article 507, le principe selon lequel l’organisation de la préparation et des conditions d’entraînement des joueurs pour les manifestations sportives relève du pouvoir de direction de l’employeur.

La charte prévoit tout de même certaines garanties aux joueurs concernés par ces lofts, qui doivent bénéficier de conditions d’entraînement et de préparation de qualité identique à celles du groupe professionnel. Cette liberté de gestion de l’effectif court du 1er juillet au 30 août. Les clubs sont donc, en principe, libres de créer des lofts afin de s’organiser durant cette période.

Il existe toutefois certaines limites quant à cette liberté d’organisation, car si les contrats des joueurs présentent certaines particularités, ils n’en restent pas moins soumis au droit du travail. Le droit du travail est explicite sur ce point là : aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet une dégradation de ses conditions de travail, susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Dès lors, une mise à l’écart destinée à contraindre un joueur à quitter un club ou encore à l’obliger à accepter des conditions financières qu’il refuse peut être constitutive d’un harcèlement moral, interdit par le droit du travail.

Si la création des lofts n’est pas illégale en elle-même, l’utilisation de ces derniers comme moyen de pression sur les joueurs afin de les inciter à quitter une équipe ou à se conformer aux décisions du club, va à l’encontre des droits des joueurs.

Conclusion

L'actualité récente a permis de remettre en lumière la pratique du lofting, largement décriée depuis plusieurs années déjà, et démontre la nécessité de trouver un équilibre entre la liberté organisationnelle reconnue aux clubs sportifs et les droits des joueurs professionnels en tant que sujets du droit du travail. L’ouverture d’une enquête par le parquet de Paris, en mars 2024, permettra très certainement d’apporter des éléments de réponse quant à la légalité d’une telle pratique.